Malgré la guerre, l'intégration résiliente des immigrants issus de l'ex-URSS en Israël
Alors qu'Israël fait face à une vague de départs depuis le 7 octobre, des jeunes immigrants originaires de l'ex-Union soviétique témoignent de leur attachement au pays
Selon le bureau national des statistiques, 82 700 Israéliens ont quitté le pays en 2024. Une balance négative de 18 200 si l'on calcule la différence entre les immigrations et les départs. La guerre lancée par le Hamas le 7 octobre 2023 et le coût élevé de la vie en Israël seraient les principaux facteurs de ces départs.
C'est dans ce contexte que nous avons rencontré des jeunes adultes immigrants de pays de l'ex-Union soviétique, pris en charge par l'association israélienne Shishi Shabbat Israeli, dont le nom signifie "Vendredi-Samedi Israélien". L'objectif ? Leur faire découvrir d'autres aspects de la société israélienne à travers un shabbat en commun, l'un des moments les plus traditionnels de la culture juive.
Nous les retrouvons dans un hostel à Massada, proche de la Mer Morte. Ils ont tous entre 20 et 35 ans. Alina a émigré en Israël en 2017 de Saint-Pétersbourg. "Israël est ma maison. Ma seule maison aujourd'hui", explique-t-elle. À la question de savoir si elle aurait pensé retourner en Russie après le 7 octobre, sa réponse est catégorique : "C'était important pour moi d'être là. Je vis à Ramat Gan, au nord de Tel-Aviv. Je vis les mêmes alertes et les mêmes émotions que tous les Israéliens. En cas d'alertes aux missiles ou aux drones, les nouveaux immigrants et les Israéliens de naissance ressentent les mêmes menaces. C'est pour cela que je me sens chez moi ici."
Elle dit être déçue de voir que beaucoup sont repartis à l'étranger. "Mais je n'ai pas d'enfants, alors je ne peux pas me mettre à la place de ces gens. J'espère simplement que c'est une décision temporaire." Cet attachement à Israël, elle le vit à travers ces séminaires. "J'ai besoin de connaître Israël, son histoire, ses lieux, comme si je devais réapprendre à marcher, m'a dit un jour un organisateur de Shishi Shabbat Israeli. Alors je l'applique. La preuve : on va monter les marches vers Massada", nous explique Alina en souriant. Pour elle, être Israélien, c'est faire preuve de culot - houtspa en hébreu - et d'entraide.
À ses côtés, on retrouve Artium. Son histoire avec Israël est presque liée aux conflits. Il a émigré en Israël en 2015 depuis la Sibérie. "Je me sens beaucoup plus Israélien que Russe, que ce soit avant ou depuis le 7 octobre", affirme-t-il. "En 2021, au moment de l'opération 'Gardiens du Mur', j'étais à l'étranger. Je voulais vite rentrer en Israël pour me sentir israélien. Je suis revenu du Brésil dans la nuit du 6 au 7 octobre 2023. J'étais heureux d'être là pour ressentir exactement les mêmes émotions que tout le monde."
Artium dit avoir besoin de ces rencontres. "Ces séminaires de Shishi Shabbat Israeli me permettent de mieux connaître l'endroit où je vis. Je suis friand d'histoire, et je ne peux pas me sentir israélien si je ne connais pas son histoire", explique-t-il.
C'est exactement le message que cherche à faire passer Linda, l'une des organisatrices. Une histoire singulière : Américaine d'origine, elle a appris le russe pendant ses études dans les années 80. "Être capable de recevoir des gens chez soi est une bénédiction qui nous a été donnée par D.ieu, c'est aussi important que toutes les bonnes actions qui nous ont été ordonnées par nos sages", explique-t-elle aux jeunes dans un russe parfait. L'occasion de rappeler la mémoire d'André, un bénévole de l'association Shishi Shabbat Israeli, assassiné par les terroristes du Hamas au festival Nova.
"Le shabbat, c'est l'occasion de se retrouver avec des amis, des invités, de retrouver une ambiance familiale, de se connecter et de contribuer au bien de tous", explique-t-elle aux jeunes participants. Ce n'est pas pour rien qu'elle leur parle sur l'air de la chanson d'Arik Einstein "Ani ve ata" ("Toi et moi"), "ensemble, nous changerons le monde".
L'association Shishi Shabbat Israeli a été fondée il y a une quinzaine d'années. Aujourd'hui, elle dispose de bureaux dans plusieurs villes d'Israël, pour les jeunes comme pour les familles. "Nous pensons que si une personne connaît mieux son histoire, apprend de son histoire, alors elle aura tendance à s'y attacher, et donc à se sentir mieux en Israël", nous explique Ylia, l'un des membres de l'équipe d'organisation de ce shabbat à la Mer Morte.
Pour Ylia, "99 % des jeunes qui sont ici ont entre 18 et 35 ans, ils ont décidé d'émigrer seuls". Le moyen de les retenir en Israël et de les familiariser avec la vie israélienne, aussi complexe soit-elle en période de guerre, c'est justement de créer un lien à travers ces séminaires. Une réponse à notre question de savoir si ces jeunes ne sont pas tentés de repartir à l'étranger depuis le 7 octobre.
Il nous confirme que l'association n'est pas un site de rencontres pour célibataires. Pour autant, elle devrait bientôt célébrer le 14e anniversaire d'un enfant né d'une rencontre lors de ces séminaires. Une manière de confirmer que l'attachement peut être immédiat.
"J'étais ingénieur en Russie quand la guerre avec l'Ukraine a éclaté", nous raconte Boris, nouvel immigrant en Israël depuis deux ans. "Je me sens davantage en sécurité ici !", affirme-t-il. Sécurité personnelle et collective, attachement à Israël et lien ombilical avec l'histoire juive : tels sont les objectifs de cette association.