Réseau d'espionnage démantelé : Dans les coulisses des interrogatoires des espions au service de l'Iran
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les suspects ne semblent pas avoir agi par conviction idéologique ou par loyauté envers l'Iran, mais plutôt par appât du gain.


Un groupe d'Israéliens d'origine azerbaïdjanaise accusés d'avoir mené plus de 700 missions d'espionnage pour l'Iran. Révélations sur les méthodes d'investigation du Shabak.
Le 15 mars 2025, Israël a levé le voile sur l'une des affaires d'espionnage les plus graves de ces dernières années. Un groupe d'Israéliens d'origine azerbaïdjanaise a été arrêté pour avoir fourni des informations stratégiques à l'Iran pendant plus de deux ans, mettant potentiellement en danger la sécurité nationale et contribuant à des attaques ayant causé la mort de soldats israéliens.
Une équipe familiale au service de Téhéran
Au cœur de ce réseau se trouve une structure familiale, dirigée par Aziz Nisanov, décrit par les enquêteurs comme "le commandant de l'opération". Ce groupe, majoritairement composé de membres d'une même famille résidant dans la région de Haïfa, a mené plus de 700 missions pour le compte des services iraniens sur une période de deux ans.
"Il s'agit en fait d'un groupe d'hommes. La plupart d'entre eux sont des proches de la famille. Le père et l'enfant vivent dans la même région, la région de Haïfa. Ils gèrent une entreprise," explique un enquêteur du Shabak (Service de sécurité intérieure israélien) qui a participé aux interrogatoires.
Un recrutement progressif et méthodique
Le mode opératoire des services iraniens révèle une approche progressive et calculée. Le contact initial a été établi via un intermédiaire azerbaïdjanais qui a présenté les suspects à une personne se faisant passer pour un homme d'affaires turc. "Il leur présente quelqu'un de turc, un prétendu homme d'affaires," détaille l'enquêteur. "Au début, les missions étaient simples : photographier des lieux publics, des restaurants... des endroits qu'on pourrait facilement trouver sur Google." Cette approche graduelle a permis aux recruteurs iraniens de tester la fiabilité des suspects tout en normalisant leur comportement. "Au fur et à mesure qu'ils voient que [les suspects] sont d'accord pour faire les tâches, ils ne se posent plus de questions. Et ensuite, les missions deviennent plus complexes," ajoute-t-il.
Des conséquences meurtrières
L'affaire a pris une dimension particulièrement dramatique lorsque les enquêteurs ont établi des liens entre les informations transmises par le réseau et plusieurs attaques meurtrières contre des installations militaires israéliennes, notamment contre la brigade Golani.
"Ici, des soldats ont été tués. Ici, des soldats ont été tués. Tous ces endroits figuraient dans la banque d'objectifs de ces espions," explique un responsable de l'enquête, visiblement ému. "Il n'y a pas d'autre explication. Ce sont eux qui ont fourni à l'Iran les informations nécessaires pour mener des attaques contre Israël." Un des enquêteurs raconte le moment où il a reçu un message concernant une attaque contre la brigade Golani alors qu'il travaillait sur ce dossier : "Je rentre à la maison, je couche les enfants, et je reçois un message sur mon téléphone concernant l'attaque à Golani. Quatre soldats ont été tués."
Une motivation purement financière
Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les suspects ne semblent pas avoir agi par conviction idéologique ou par loyauté envers l'Iran, mais plutôt par appât du gain.
"Leur motivation ? L'argent, une pointe," indique l'enquêteur. Les missions étaient rémunérées entre 500 et 1 200 dollars chacune, des sommes qui se sont accumulées au fil du temps. "Dans cette maison, il y avait beaucoup d'argent." Les suspects sont actuellement jugés pour "complicité avec l'ennemi en temps de guerre" et "divulgation d'informations à l'ennemi", des crimes passibles de la peine capitale en Israël.
"Qu'est-ce que la punition pour les actes qu'ils ont commis ? On peut atteindre la mort," précise l'un des enquêteurs, soulignant ainsi la gravité des accusations portées contre eux.
La guerre invisible
Cette affaire met en lumière ce que les services de sécurité israéliens appellent "la guerre invisible" - un conflit qui se déroule loin des caméras et des champs de bataille traditionnels. "Il y a une guerre que tout le monde connaît. C'est une guerre de tanks, d'armes aériennes, d'armée contre organisations terroristes. Et il y a une guerre que les gens ne connaissent pas. Parfois, c'est mieux ainsi. C'est cette guerre-là," conclut un des responsables de l'enquête. À l'heure où les tensions entre Israël et l'Iran atteignent un niveau sans précédent, cette affaire révèle l'ampleur des efforts déployés par Téhéran pour infiltrer son adversaire, et la vigilance constante des services israéliens face à cette menace.