Analyse | Syrie, le grand morcellement, par Raphaël Jerusalmy
Face à la chute d'Assad, l'inaction de la communauté internationale révèle un monde fragmenté où règne la politique du "chacun pour soi"
Le monde vit aujourd'hui à l'heure du "chacun pour soi". En regard de la chute impromptue du gouvernement syrien et de la probabilité que la Syrie tombe aux mains de factions non moins néfastes que le régime du clan Assad, l'expression "communauté internationale" n'a jamais été autant vide de sens. Les combats qui frappent de nouveau la Syrie se déroulent à l'ombre de la passivité la plus flagrante. Donald Trump a annoncé que les États-Unis ne s'en mêleraient pas. Poutine reste sur la touche. Il ne vient pas vraiment à la rescousse. Pas plus que Téhéran qui s'empresse d'abandonner son allié syrien à son sort. À travers le monde, les diplomates se disent "préoccupés", "concernés". Ils l'étaient de même en 2011, lorsque le pays sombra dans une sanglante guerre civile qui, menée durant des années à l'ombre de la même passivité internationale, se solde pour l'instant par plus de 600.000 morts et des millions de déplacés et réfugiés. Cette absence d'intervention internationale met en évidence la lâcheté générale.
Les grandes puissances et les pays européens ont tout simplement peur. Peur de s'engager dans des opérations militaires qui pourraient pourtant changer la donne. Peur de s'enliser comme ce fut le cas en Irak, en Afghanistan, en Libye, faute de déployer les moyens et les forces nécessaires à une campagne décisive. La coalition de 2014 contre Daech est l'exception qui confirme la règle. La coalition de 2024, en mer Rouge, contre les Houthis du Yémen, est d'un impact insignifiant, laissant planer une menace pourtant globale sur le commerce maritime mondial et l'approvisionnement en énergies des pays les plus développés de la planète.
Pareil pour la note de chauffage des suites de la guerre russo-ukrainienne que les forces de l'OTAN se montrent incapables d'enrayer. Poutine se croit tout permis. On lui brandit au nez des sanctions qui ne l'intimident pas. Au contraire, elles le poussent à se cabrer plus encore. Il en est de même des sanctions à l'égard de l'Iran qui les contourne par des exportations pirates vers le Venezuela et la Chine et poursuit allègrement son programme nucléaire.
C'est au Proche-Orient que la "communauté internationale" brille le plus par son absence. Les événements de ces derniers jours en sont la preuve. Tout le monde base sa stratégie sur Israël, laissant ce petit pays brider une région entière à lui seul. Les tracas palestinien, libanais, syrien, iranien, ne seraient que le problème des Israéliens ? Et s'il n'y avait pas Israël, que feraient donc les Américains et Européens pour éviter ce qu'ils redoutent le plus : que les pays arabes basculent dans le camp sino-russe. Ils n'ont pas d'approche coordonnée entre eux d'un sujet aussi brûlant. Pas même pour éviter que la Syrie devienne un nouvel Afghanistan. Pas même lorsqu'il s'agit d'empêcher une dictature djihadiste de développer des capacités nucléaires dangereuses pour tous. On parle de voies diplomatiques, de concertation, d'accords possibles, d'inspections. Tout pour éviter de faire ce qu'il y a à faire face à une telle menace : s'unir pour la frapper militairement.
L'utilisation de la force armée montre de la détermination. Une coalition internationale peut frapper des cibles ponctuelles, de façon chirurgicale, sans déclencher de conflit. Elle peut éliminer des chefs terroristes. Elle peut, par une présence massive dans un secteur donné, y jouer le rôle de gendarme et imposer ses volontés sans tirer une seule balle. Mais pour cela il faut chercher l'intérêt commun plutôt que de tirer chacun la corde à soi, sans considération pour le bien général. Et surtout sans éthique ! La plus grande honte étant comment le monde abandonne les femmes afghanes à l'horreur du régime des Talibans. Attitude obscène que l'on retrouve à l'ONU. Cette institution fait obstacle à toute initiative libératrice par le droit de veto de Pékin et de Moscou, et par la majorité de vote de nations qui sont elles-mêmes des dictatures immorales et corrompues.
L'ONU permet de s'acheter une conscience à bon marché, avec des colis de nourriture et de médicaments, sans avoir à intervenir pour de bon pour sauver les gens de leur misère. L'exemple le plus frappant est celui de la tragédie haïtienne alors qu'il serait si facile aux pays développés de sauver les Haïtiens de la mainmise de la pègre locale sur leur destin. L'ONU est nuisible quand elle fait perdurer des tyrannies en allégeant leur fardeau. On voit comment l'UNRWA entretient la puissance du Hamas à Gaza. Et comment l'aide onusienne en Afghanistan renforce les Talibans qui en détournent la majeure partie pour eux-mêmes, sans aucun contrôle de la "communauté internationale". Laquelle ne lève pas le petit doigt pour sauver le Liban du désastre, comptant une fois de plus sur Israël pour libérer les Libanais du joug du Hezbollah.
Pour sa part, Israël ne compte certainement pas sur une "communauté internationale" dont la solidarité tardive a laissé le nazisme déferler sur les nations qui la composent et qui ne forment en vérité qu'une "communauté de la trouille et de l'égoïsme".