Analyse | "Apocalypse now ? Les risques d'embrasement au Moyen-Orient", par Raphaël Jerusalmy
Face aux tensions croissantes au Moyen-Orient, certains s'interrogent sur les risques d'un conflit généralisé et sur la capacité de l'administration Trump à établir une paix durable dans la région


Qu'elle se nomme Armageddon, Gog et Magog ou Apocalypse selon Saint-Jean, elle est l'ultime étape de la lutte du bien contre le mal. Les écrits monothéistes stipulent qu'elle sera marquée par une terrible guerre qui précédera l'émergence d'un monde nouveau et plus juste. Le 7 octobre serait-il le coup d'envoi d'un conflit plus large, titanesque, opposant l'Orient à l'Occident ? Ce tragique incident s'est vite étendu au reste du Proche-Orient et a aujourd'hui des implications géopolitiques au niveau mondial. Depuis le 7 octobre 2023, tout s'est mis en place pour une guerre planétaire : risque d'une crise énergétique, entrave au commerce maritime vital dans le golfe Persique et en mer Rouge, menaces nucléaire, islamiste, expansionniste, surarmement des dictatures, ingérence tentaculaire des pays du Golfe et de la Chine, à l'ombre d'un affrontement de plus en plus envisageable des superpuissances.
L'arrivée au pouvoir de Donald Trump offre une inconnue historique. Le président américain réussira-t-il vraiment à pacifier la planète ? S'il s'y prend mal, ne risque-t-il pas de la plonger dans le chaos ? Pendant qu'il négocie en touche avec le Hamas pour la libération des otages israélo-américains, Jérusalem est au point mort et prépare une possible reprise des combats à Gaza. Mais peut-être aussi au Liban, en Syrie, et jusqu'en Iran. Trump parle de normalisations plus ou moins utopiques alors que les tensions montent de partout. Tensions qu'Israël pourrait exploiter à son avantage en semant la zizanie parmi les différents acteurs de la région. Une stratégie judicieuse pourrait déclencher de sérieuses bagarres entre diverses factions terroristes, nations arabes, régimes islamistes. Il suffirait d'un peu d'huile sur le feu.
À commencer par la compétition effrénée opposant l'Iran à la Turquie, des suites du renversement du régime Assad en Syrie. Il serait bénéfique de voir ces deux pays se déclarer la guerre frontalement. À l'heure actuelle, en sus de la Syrie, ils se disputent avidement le contrôle du Hamas, du Liban, du Caucase, du Sahel et de plusieurs pays d'Afrique. Pour les pousser dans l'arène, nous avons à notre disposition des ethnies qui, bien soutenues, peuvent absolument changer la donne stratégique. Les Azéris et les Baloutches pour ce qui est des ayatollahs, les Druzes et les Kurdes face au sultan ottoman. En Irak, il faut encourager la volonté de Bagdad de s'ôter l'épine dans le pied que représente l'activité incontrôlée des milices chiites. Il faut bien sûr aider le Liban à se libérer du joug du Hezbollah. Il faut réanimer la joute des Émirats et de l'Arabie saoudite contre le Qatar. Raviver l'offensive saoudienne contre le Yémen des Houthis. Précipiter l'Égypte dans un face-à-face avec le Hamas en orchestrant un débordement du problème gazaoui vers le Sinaï. Il est grand temps que le Caire assume ses responsabilités et reprenne la gestion de son territoire gazaoui. En Judée-Samarie, il faut orienter les aspirations palestiniennes à un État vers la Jordanie, royaume de pacotille sous la coupe d'une minorité hachémite alors que la majorité de sa population est palestinienne. Le Mossad, certaines influences économiques et des alliances discrètes, peuvent également influer sur la situation au Soudan, en Éthiopie, en Libye, assister le Maroc dans ses déboires avec l'Algérie. Tout cela sans compter l'attisement d'inimitiés ethniques et tribales qui couvent de tous temps. Il y a aujourd'hui une possibilité d'embraser toute la région sans qu'Israël soit mêlé à la bataille.
Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Seulement si, au bout du compte, les forces du bien l'emportent sur les djihadistes de tous poils, les Khamenei, les Erdogan, les Abou Mazen, les Al Thani. Car sinon, mieux vaut en effet jouer la carte diplomatique. Le problème est avec quels joueurs. Des petits rois, des dictateurs d'opérette, des vizirs corrompus, auxquels il est risqué de se fier ? Il y a peut-être aujourd'hui certaines conditions réunies pour la paix, mais pas nécessairement de partenaires souhaitables. Les écrits des trois religions monothéistes en présence sur le terrain affirment qu'il sera impossible de sauter la case Armageddon. Il faudra en passer par là, nous disent les prophètes. Donald Trump, lui, prétend être capable de contourner l'étape d'une apocalypse en établissant une sorte de pax americana à l'instar de la pax romana des Césars de l'Antiquité. Et s'il échoue ?
Les pays arabes producteurs de pétrole et de gaz tiennent le monde en laisse par leur chantage à la pénurie d'énergie et à l'instabilité des marchés financiers. La Chine le tient en haleine avec son épée de Damoclès brandie au-dessus de Taïwan. Poutine joue les gros bras et Macron se rebiffe. Mais à l'heure qu'il est, c'est un petit pays de dix millions d'habitants qui peut faire tout basculer d'un seul coup, en représailles du mal qui lui a été fait par une matinée d'octobre, en terre d'Israël. Les Écritures nous le disent. C'est à Megiddo, dans la vallée de Jezréel, qu'aura lieu le combat décisif entre bien et mal, à la fin des temps. Disons-le clairement, un monde qui abandonne à leur sort atroce les otages détenus par les spadassins de la haine ne mérite pas d'exister. Alors, libération de nos otages, cessation des attaques contre Israël et des actes racistes à l'égard du peuple juif. Ou bien, Apocalypse Now ?