Analyse | "La vraie victoire d'Israël", par Raphaël Jerusalmy
En négociant avec le Hamas pour ses otages, Israël remporte une victoire morale qui dépasse les enjeux militaires du conflit
Nul ne sait si les dispositions en vue de la libération des otages israéliens détenus par le Hamas tiendront jusqu'au bout des différentes phases envisagées. Tout peut capoter à n'importe quel moment. Mais il est un acquis que même un échec en cours de route ne pourra jamais annihiler, c'est la victoire morale d'Israël sur l'histoire. C'est d'avoir placé la barre de nos valeurs plus haut que celles établies par les critères militaires ou politiques du moment. Si haut, en fait, qu'aucune nation au monde, aucun peuple, ne peut prétendre égaler l'engagement moral d'Israël envers les siens. Aucun pays ne serait en mesure d'accepter les énormes sacrifices auxquels les Israéliens consentent aujourd'hui pour sauver quelques uns de leurs concitoyens. Cette sacralité de la vie prônée par le Judaïsme, cette tradition sioniste de ne laisser personne en arrière, de n'abandonner aucune âme, fait honneur au peuple d'Israël. Et honte à ceux qui l'exploitent si cruellement.
Par-delà les bas calculs de combien de terroristes seront échangés contre un seul otage, il y a l'arithmétique de la grandeur d'esprit et de cœur. Laissons nos ennemis fanfaronner. La seul victoire dont ils puissent se targuer est celle emportée sur le champ de bataille de la haine et de la sauvagerie. Le prix qu'ils ont fixé est bien trop bas. Un Israélien ne vaut pas que cent ou mille terroristes. C'est trop peu. Il en vaut des dizaines de milliers parce que les terroristes, en termes de valeur humaine, ne valent absolument rien. Dans le cas du Hamas, si le prix à payer est si exorbitant, l'État d'Israël ne peut que s'en prendre à lui-même. Car c'est le prix des erreurs qu'il a commises. Celle d'avoir évacué Gaza en 2005 sans assurer une relève modérée, celle d'avoir laissé le Hamas se renforcer au fil des années, celle du 07 octobre 2023. Celle d'avoir créé un monstre.
Certains déplorent à raison le retrait des troupes de Tsahal et l'élargissement de centaines de meurtriers dangereux qui ne rêvent que de récidiver. Ils oublient qu'il sera toujours temps de réinvestir Gaza si nécessaire et d'éliminer les terroristes libérés un peu plus tard. Pendant vingt ans, Israël a laissé le Hamas recruter des milliers d'assassins, creusé des centaines de kilomètres de tunnels, produire des milliers de missiles. Alors, attendre un an ou deux de plus pour régler définitivement leur compte n'est pas si terrible. Mais il y a les soldats et soldates tombés au combat, blessés, rendus invalides. N'est-ce pas une insulte à leur égard que d'accepter les termes du Hamas ? Bien au contraire, c'est le plus grand hommage qu'on puisse leur rendre. Ils et elles ne se sont pas battus en ayant comme objectif prioritaire de tuer autant de terroristes que possible. Lorsque dans Gaza, ils approchaient d'une rue, d'un immeuble, ce qu'ils espéraient par-dessus tout, c'est d'y trouver des otages et les libérer. Ils ne se sont pas battus si âprement par haine de l'ennemi ou simple désir de revanche, mais par amour. Amour du prochain, amour de la vie, amour d'Israël.
Dans les livres d'histoire, il ne sera fait mention de victoire israélienne que si les otages reviennent. Sinon, en dépit des réussites militaires sur le terrain, on parlera d'une défaite. C'est ainsi que le ressent la grande majorité de la population israélienne, comme le révèlent les sondages. Cela inclut des familles dont les membres ont été victimes d'attentats ou ont perdu un proche à la guerre. Depuis le 07 octobre 2023, les Israéliens pensent sans cesse aux otages. Le pays entier souffre avec eux, jour après jour. Leurs photos couvrent les murs du pays. Les voix qui s'élèvent aujourd'hui contre le mauvais accord, et il est mauvais, sont des voix hérétiques qui blasphèment les valeurs les plus sacrées du Judaïsme qui élèvent l'âme par-delà les considérations stratégiques ou politiques pour atteindre le Tzedek, c'est-à-dire une justice dégagée des circonstances et capable de refuser des choix auxquels veut nous forcer l'histoire. C'est en raison de la nécessité de Tzedek, qu'hier et avant-hier, le Shabbat a été enfreint, avec autorisation rabbinique, par un gouvernement siégeant à Jérusalem !
L'accord sur les otages renoue héroïquement avec la plus grande tradition juive. Et avec ses vraies valeurs. Par-delà toutes les souffrances qui lui sont infligées, le peuple d'Israël sauvegarde sa dignité. Par-delà toutes les guerres qui lui sont imposées, il préserve son humanité. Par-delà les remous de l'histoire, il conserve un haut degré de moralité. Et surtout, un invincible amour du prochain et de la vie, quoiqu'il advienne. C'est pourquoi on dit du peuple d'Israël « qu'il vit ».