Antisémite, suprémaciste... Qui était vraiment J.R Tolkien, auteur du Seigneur des anneaux ?
Galadriel, Tinuviel... Ces noms à consonance hébraïque sont ceux des elfes de la Terre du Milieu
Fasciné par le judaïsme et récupéré par l'extrême-droite, qui était vraiment Tolkien, l’auteur du "Seigneur des Anneaux" et du "Hobbit" ? Galadriel, Tinuviel... Ces noms à consonance hébraïque sont ceux des elfes de la Terre du Milieu. Tolkien a lui-même pour troisième prénom Reuel, littéralement "ami de Dieu". Cet amoureux des langues et du folklore a beau être catholique, pour créer les héros du Silmarillion, le légendaire auteur britannique a puisé dans les cultures les plus anciennes, y compris et surtout l’histoire juive.
Tolkien compare ainsi l’exil des nains du Hobbit, chassés de leur montagne par le dragon Smaug, à l'exil du peuple juif
Dans ses écrits, Tolkien compare ainsi l’exil des nains du Hobbit, chassés de leur montagne par le dragon Smaug, à l'exil du peuple juif. Et le khuzdul, la langue des nains, est dérivée des langues sémitiques comme l’hébreu, tout comme le dialecte parlé par les hommes de Numenor.
Comment se fait-il que l'un des auteurs les plus emblématiques de la fantasy soit si tourné vers les écrits juifs ? En réalité, Tolkien avait une certaine connaissance de l'hébreu. En 1966, il avait même traduit le livre de Jonas vers l’anglais pour la bible de Jérusalem. Mais tout cela n'a pas empêché certains individus de faire de Tolkien un écrivain antisémite. Est-ce que Gollum est apparenté au Golem ? Est-ce que les nains qui veillent sur leurs métaux précieux sont une caricature du juif ? On laissera les tolkienistes s'écharper à coups de flèches sur ce débat.
Il n'empêche que Tolkien est bel et bien devenu un symbole pour les militants d'extrême droite
Il n'empêche que Tolkien est bel et bien devenu un symbole pour les militants d'extrême droite. Récemment, c’est la nouvelle Première ministre italienne post-fasciste Georgia Meloni, fan de Tolkien, qui posait près d'une statue de Gandalf dans le Corriere Della Serra. Des elfes blonds et purs face aux orcs corrompus… certains ont vite fait de transformer l'auteur du "Seigneur des Anneaux" en théoricien de la race pure, défenseur des valeurs anciennes.
Un épisode vient pourtant contester sans ambiguïté l'antisémitisme attribué à l'auteur. Afin de pouvoir publier son "Hobbit" dans l’Allemagne nazie (paru au Royaume-Uni en 1937), Tolkien est prié de prouver son “ascendance aryenne”. Alors qu'il est issu d'une famille britannique d’origine allemande, voici ce qu'il répond au gouvernement allemand le 25 juillet 1938 : "Je ne suis pas d’origine aryenne. Mais, si je dois comprendre que vous cherchez à savoir si je suis d’origine juive, je peux seulement vous répondre que je regrette de n’avoir aucun ancêtre qui appartienne à ce peuple talentueux."
Trois ans plus tard, il décrit à son fils “une rancune personnelle et tenace envers ce petit excité imbécile qu’est Adolf Hitler”. Résultat : les aventures de Bilbo le Hobbit ne seront publiées en Allemagne qu'en 1957, et "Le Seigneur des anneaux" en 1969.
L'œuvre de Tolkien n'arrive en Israël qu'en 1970. Le pays a à peine 22 ans. C’est depuis une prison égyptienne que des militaires israéliens entreprennent l’une des premières traductions en hébreu du "Hobbit", en pleine guerre d’usure. Traduction qui sera finalement publiée en 1977. Entretemps il y en a eu d’autres, dont l'exceptionnel 'Hobbit" en yiddish en 2015. De Oxford à Jérusalem, John Ronald Reuel Tolkien, un ami de Dieu aimé du peuple juif. Quand l’amitié entre les peuples triomphe de tout, on est bien dans la communauté de l’anneau.
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