Match nul entre Israël et la France : à l'image de la relation entre les deux pays
Au sommet du pouvoir, il est patent que l'ère est au bras de fer. Toutes les occasions sont bonnes pour décider d'une nouvelle vicissitude à l'égard de l'État d'Israël.
Une dramatisation des attentes, une mobilisation hors du commun pour un résultat nul. Le match pitoyable qui s'est déroulé le 14 novembre sur la pelouse du Stade de France est à l'aune de la réalité de la relation politique entre "David et Marianne". Mettons d'emblée de côté les multiples exemples qui attestent d'une coopération bilatérale entre les bonnes volontés de la société civile. Le massacre du 7 octobre 2023 marque toutefois une dégradation de cette relation. Les nombreuses études et prises de position permettent de résumer la situation : si en France, la société profonde comprend qu'Israël est aux avant-postes de la lutte de l'Occident contre l'islamisme, une partie importante des sphères dirigeantes intellectuelles et culturelles dénie ce statut à l'État hébreu. En cela, ils donnent un écho, involontaire ou non, aux déclarations glaçantes des apparatchiks insoumis qui glorifient les razzias pogromistes des commandos nazislamistes en Europe et accusent Israël de génocide.
Au sommet du pouvoir, il est patent que l'ère est au bras de fer. Toutes les occasions sont bonnes pour décider d'une nouvelle vicissitude à l'égard de l'État d'Israël. Parfois, la justice vient corriger des décisions non justifiées et non justifiables comme l'interdiction faite aux entreprises israéliennes de participer au salon Euronaval, sous de bêlants prétextes pacifistes qui n'ont pas tenu devant le tribunal de commerce qui a levé l'oukase. Réponse du berger à la bergère : les policiers israéliens appliquant avec zèle leurs consignes au sujet de la souveraineté israélienne à Jérusalem se font un plaisir d'humilier les gendarmes français chargés de sécuriser la visite du ministre Jean-Noël Barrot sur le site Eleona, protégé par la France dans la partie est de la ville. Le gendarme français emmené au poste fut rapidement libéré après que la scène filmée de son plaquage au sol eut fait le tour du monde sur les écrans. Depuis, l'interjection "Ne me touche pas !", répétée en français lors de l'affrontement entre les policiers, est devenue aussi virale que le célèbre "You want me to take my plane, this is a provocation!" de Jacques Chirac dans les venelles de la Vieille Ville.
À l'image du match de football France-Israël, les deux parties s'opposent sans que l'une fasse plier l'autre. Par ailleurs, les deux sociétés - chacune pour ses raisons - sont engluées dans des problèmes intérieurs mettant à mal leur cohésion nationale dus à l'absence de décisions courageuses. Sur le plan géopolitique, les plaques tectoniques bougent sous l'effet des décisions des acteurs non occidentaux : en Ukraine comme au Proche-Orient, les Français jouent les spectateurs, ce qui agace considérablement un président français, ex-Jupiter brutalement revenu sur terre après sa dissolution orgueilleuse et désastreuse.
La politique française a écrit la feuille de ce match du 14 novembre. Dans un stade aux gradins clairsemés, la tribune officielle n'avait jamais été aussi garnie pour une rencontre au si faible enjeu sportif : un président en exercice, deux anciens présidents, un Premier ministre et un ministre de l'Intérieur - Bruno Retailleau, seul vainqueur du match. Chacun avec ses motivations et ses arrière-pensées.
Emmanuel Macron, officiellement, aurait décidé de sa présence au Stade de France après la soirée de persécutions et d'agressions contre les supporters israéliens à Amsterdam. Les services de l'Élysée ont expliqué aux journalistes que c'était l'occasion de manifester sa solidarité avec Israël. Une tentative aussi d'effacer les effets délétères de ses actes et propos, tels son absence à la marche contre l'antisémitisme de novembre 2023 et sa récente philippique révoltante sur le gouvernement israélien qui ne peut prétendre à la paix en "répandant la barbarie". Marginalisé, affaibli en interne et en externe, Emmanuel Macron, qui se voit en Mbappé politique, devra bientôt quitter le terrain et il tente de marquer les derniers points avant son départ de l'Élysée.
François Hollande, lui, surveille la montre, il lui tarde que la fin du temps réglementaire soit sifflée. Il marque Macron à la culotte depuis 2017, il tacle, dribble, ne lâche pas du regard celui qui l'a trahi. François Hollande se voit en capitaine de retour à la tête de l'équipe France. Il lui a été conseillé par des amis d'assister au match car il doit reconquérir un électorat fâché avec la gauche. Nicolas Sarkozy, lui, a pris son parti de ne plus être choisi par les électeurs. Il ne boude pas son statut de président d'honneur. Il aime être partout, sur toutes les balles, ne rate aucun carton d'invitation, s'invite dans les débats et s'enorgueillit de ce qu'il pense être son succès inaltéré, tel un crooner d'antan qui a gardé son quarteron de fans. Il est vrai que, s'agissant de la relation avec Israël, il bénéficie d'une illusion d'optique avantageuse, ayant beaucoup parlé et très peu agi en réalité.
Michel Barnier a été la vedette politique de la cérémonie du 7 octobre au Dôme en prononçant le nom du président de la République qui a déclenché les sifflets qui ont ulcéré l'Élysée. Après le 7 octobre 2023, il a été au chevet des Israéliens et a condamné sans ambages les massacres du Hamas. Quant à Bruno Retailleau, nouveau et inattendu ministre de l'Intérieur, il est le seul membre du gouvernement ces temps-ci à trouver le chemin des buts. Il parle clair pour nombre de Français et agit en conséquence. Il applique en cela la feuille de route du Premier ministre le jour de sa prise de fonction : pas d'esbroufe, plus agir et moins parler. Il se positionne sur le point faible du macronisme et l'épine dorsale de la droite : l'autorité de l'État et le régalien. Son envie de troubler le jeu politique est patente. Bruno Retailleau pourrait profiter des affres du RN suite aux ennuis de Marine Le Pen avec la justice. Pour l'instant, il rythme le jeu de l'équipe gouvernementale et ne manque pas une occasion de manifester son soutien à Israël, au nom du combat civilisationnel qui se joue contre l'islamisme.
En cela, le ministre de l'Intérieur est en phase avec de nombreux Français. Et ce match-là, il est crucial pour l'Occident de le gagner ensemble.