Macron président du KO, par Michaël Darmon
Il n'est pas question pour Macron d'accueillir Le Pen sur le perron de l'Élysée en 2027. Il préfère prendre le risque de permettre au RN de gouverner pour se fracasser sur les réalités de la gestion
![Le président français Emmanuel Macron](https://cdn.i24news.tv/uploads/c7/ba/f2/9e/61/f3/03/bb/81/d0/24/8d/d7/e3/81/41/c7baf29e61f303bb81d0248dd7e38141.png?width=1000)
La Macronie a reçu le 9 juin 2024 un direct au foie: le vote sanction massif qui a propulsé le Rassemblement national dirigé par Jordan Bardella en tête dans plus de 90% des communes de France, pliant en deux les partisans d'un président impopulaire. Une heure après l'annonce de ce résultat, Emmanuel Macron a décoché aux macronistes un uppercut laissant sa majorité sidérée, K.O.: il prononce la dissolution de l'Assemblée nationale, plongeant par là-même le pays dans un chaos inédit.
Emmanuel Macron persiste à croire qu'il est la solution, alors qu'il est devenu le problème
Depuis, les barons du macronisme se sont échinés à faire comprendre au président de la République que le code avait changé, rien n'y a fait: Emmanuel Macron persiste à croire qu'il est la solution, alors qu'il est devenu le problème.
Chacune de ses prises de parole durant la campagne des européennes a augmenté le rejet de la majorité présidentielle. À la veille du scrutin, son intervention télévisée en pleines cérémonies du 6 juin, alors que la France rendait hommage aux vétérans qui ont libéré la France du joug nazi en 1944-45, n'a pas provoqué le sursaut clamé par les stratèges élyséens. Au contraire.
Emmanuel Macron a donc tiré la leçon de la défaite électorale des européennes: on ne change pas une équipe qui perd. Et s'est illico auto-investi directeur de la campagne éclair pour les élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet.
Son intention est même de s'exprimer plusieurs fois par semaine, au grand dam des candidats qui craignent pour leur siège. Inquiets, les candidats macronistes ont demandé que ce soit la photo de Gabriel Attal, valeureux premier ministre humilié chaque jour par Emmanuel Macron, qui figure sur leurs affiches. Selon le mot de François Bayrou, les candidats de la majorité présidentielle cherchent ainsi à « demacroniser » la campagne. Venant de la part du premier soutien présidentiel, le terme n'est pas anodin.
Selon le mot de François Bayrou, les candidats de la majorité présidentielle cherchent ainsi à « demacroniser » la campagne
« J'y vais pour gagner! », martèle de son côté Emmanuel Macron devant des visiteurs interloqués par la puissance du déni dont fait preuve, selon eux, le chef de l'État. Outre qu'il s'exprime à la première personne - ce qui en dit long sur sa certitude d'être toujours le deus ex machina de la vie politique - le chef de l'État fait craindre le pire à ses partisans qui naviguent en plein brouillard. Ils se demandent pour quelles raisons le chef de l'État semble faciliter la victoire d'un parti, le RN, qu'il prétend combattre.
![Ludovic Marin, Pool via AP](https://cdn.i24news.tv/uploads/f1/52/15/52/ae/73/fe/bd/c0/22/6a/3b/e8/aa/b9/a5/f1521552ae73febdc0226a3be8aab9a5.jpg?width=750)
Qu'a-t-il à gagner à « bardelliser » ainsi le système si ce n'est cette conviction non avouée que la France doit lever un jour l'hypothèque et assumer sa tentation du populisme ? Un tel scénario est murmuré depuis quelques années dans les milieux politiques où l'on met en avant les avantages d'une expérience populiste: recréer du clivage gauche-droite, permettre aux partis de se régénérer. Autant de chimères ?
Tel serait le sens caché de ce mot « clarification » au cœur du discours présidentiel. Emmanuel Macron n'avait que ce mot à la bouche lors de sa conférence de presse du 12 juin. À juste titre, en réalité.
La décision d'Éric Ciotti de mettre fin à ce décalage contribuerait donc à clarifier une tendance lourde sur le terrain: le grand remplacement de la droite par le RN
Il se réjouit de la clarification provoquée par la dissolution: il pointe les alliances au sein de la gauche où un cartel avec LFI s'est reformé pour sauver les sièges des députés dans les circonscriptions face à la poussée Bardella. Clarification encore avec l'explosion de la droite, incapable de supporter le hiatus entre ses dirigeants - opposés depuis des années à tout rapprochement avec le RN au risque de perdre des élections - et ses électeurs qui sur le terrain considèrent qu'un accord avec le RN est une question de survie.
![AP Photo/Daniel Cole](https://cdn.i24news.tv/uploads/e7/54/f9/da/5a/15/a4/39/24/a7/54/b7/cb/e8/95/51/e754f9da5a15a43924a754b7cbe89551.jpg?width=750)
La décision d'Éric Ciotti de mettre fin à ce décalage contribuerait donc à clarifier une tendance lourde sur le terrain: le grand remplacement de la droite par le RN.
Le président français avance masqué depuis son arrivée à l'Élysée derrière un « en même temps » synonyme d'impuissance politique, tendu vers un seul but: fracturer la droite. Il met un soin particulier à ne jamais dévoiler la réalité de ses intentions, élevant la pratique du contrepied et du secret au niveau d'un enjeu quasi existentiel. Au soir des élections européennes, le président a fait tapis car il n'est pas question pour lui d'accueillir Marine Le Pen sur le perron de l'Élysée en 2027. Il préfère prendre le risque de permettre au RN de gouverner en faisant le pari que les lepenistes se fracasseront sur les réalités de la gestion et seront ainsi disqualifiés pour la présidentielle. « Les masques tombent », a constaté Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 12 juin. Y compris le sien.